L’Université Rennes 2, c’est bien plus qu’un lieu d’études. Dans chaque épisode de Plus qu’une fac, un ou une étudiante de Rennes 2 se confie sur ses choix, ses rencontres, ses peurs, ses envies… Sur ce moment de vie crucial où l’on commence à devenir soi-même. Formation, logement, engagement associatif et politique, etc. sont autant de thèmes abordés par le prisme de l’intime.
Dans cet épisode, c'est Mine qui se raconte. À même pas 20 ans, elle est l'un des rouages indispensables de l'Épicerie gratuite, une association de lutte contre le gaspillage alimentaire et la précarité étudiante qui récupère des invendus et les redistribue trois fois par semaine sur le campus Villejean. Elle nous parle de son investissement et de ses propres galères.
[Musique du générique]
Voix off : Rennes 2, c'est bien plus qu'un lieu d'études. C'est un point où convergent plus de vingt mille destins. Un moment unique où l'on fait des choix, des rencontres et des erreurs. Où l'on apprend à être soi. Où l'on s'élance, chacun et chacune à sa façon.
Dans cet épisode, c'est Mine qui se raconte. À même pas 20 ans, elle est l'un des rouages indispensables de l'Épicerie gratuite, une association de lutte contre le gaspillage alimentaire et la précarité étudiante qui récupère des invendus et les redistribue trois fois par semaine sur le campus Villejean. Elle nous parle de son investissement et de ses propres galères.
C'est une histoire de ce que l'on donne et de ce que l'on reçoit, tout de suite, dans Plus qu'une fac.
[Fin de la musique du générique]
Dès le premier jour de la Campus Week, je voulais vraiment m'engager dans une association à l'époque. On avait fait tout le tour et on est tombées sur le stand de l'Épicerie gratuite. Je n'avais pas vraiment osé m'approcher la première fois. J'avais recherché après une fois rentrée chez moi de mon côté, ce qu'ils faisaient, etc. Ça m'a pris un mois pour avoir le courage d'y aller.
Ma toute première distribution : normalement, j'avais cours de 16h à 18h en anglais, mais du coup, j'avais demandé à sortir plus tôt et à l'époque, j'étais vraiment très, très, très, très timide. J'ai voulu me mettre dans un poste où j'avais le moins d'interactions avec les personnes, où j'étais le plus cachée. Donc, je n'étais pas à l'extérieur où il y avait une grande queue de plus de 100 étudiants. J'étais dans le coin des produits laitiers qui étaient cachés par un mur. Et du coup, je disais juste : “un produit laitier, deux produits laitiers... dans tout le frigo.” Et j'ai fait plusieurs distributions comme ça, au point où le frigo des produits laitiers, c'était devenu le frigo de Mine, quoi.
Et après un jour, je crois que c'était un mercredi midi ou quelque chose comme ça, je suis passée juste à l'Épicerie et il y avait une formation “réf”. C'est les personnes qui sont en charge du déroulé de la distribution et des quantités. J'étais là, du coup, je me suis dit : “pourquoi pas faire la formation ?” et le soir même, j'étais devenue référente. J'avais géré la distribution. Et depuis, toutes les distributions que j’ai faites, c'est en tant que référente et c'est de là que c'est parti. Et après, j'étais dans les réunions bénévoles le mercredi soir et après, le bureau m'avait proposée en tant que candidate parce que j'étais vraiment hyper investie. Et c'est comme ça que je suis devenue co-présidente de l'Épicerie cette année.
Cette année, à l'Épicerie, on a été 190 bénévoles, je pense ; on est vraiment nombreux·ses. Il y a vraiment pas mal de choses qu'on peut faire. On peut justement assister aux distributions. Et faire des ramasses tout au long de la semaine, les midis, par exemple, soit faire la ramasse des écoles avec le vélo cargo ou faire les ramasses dans les supermarchés un peu plus loin avec le Kangoo. Sinon, le mercredi soir, on a les réunions bénévoles et sinon, on peut juste passer à l'Épicerie et voir s'il y a besoin d'aide pour quelque chose, soit faire un petit ménage, un petit peu de vaisselle ou alors juste venir se poser, parler avec les personnes, manger le midi tous ensemble. On est entre nous, on va dire. Au moins, tous les bénévoles et bénéficiaires se comprennent. On est tous un peu dans la même galère et juste, on peut vraiment aider directement les personnes et des fois parler avec elles et eux pour comprendre, pour en savoir plus sur l'un et l'autre et voir qu'on est tous similaires, en fait, dans un sens. Comme les bénéficiaires à l'Épicerie, c'est totalement anonyme, on ne demande pas de justificatifs, on ne demande pas de preuves qui sont en besoin ou alors qui sont étudiant·es. Mais on retrouve vraiment beaucoup de profils différents au point où on voit vraiment que c'est un problème universel chez les étudiant·es, la précarité étudiante.
On est l'association qui a le plus grand nombre d'étudiants en VEE. Alors, la VEE, donc la validation de l'engagement étudiant, ça dépend, ça peut être en enseignement facultatif ou alors en UEO en fonction de la licence dans laquelle on est. ça remplace deux heures de cours dans la semaine. L'étudiant est censé s'engager dans une association, donc 24 heures dans tout le semestre. Et à la fin du semestre, il y a un dossier à rendre, une auto-évaluation et il faut que l'association dans laquelle on a été engagé·e signe et valide la VEE.
[Virgule musicale]
Je viens de Quimper, qui est à 2h30 de Rennes en train. Et quand je suis arrivée à Rennes, j'avais juste une amie de Quimper, justement, mais elle était dans une autre licence. Comme c'était une toute nouvelle ville pour moi, je sortais du Finistère, je sortais de chez moi pour la première fois. Et je ne savais vraiment pas comment me faire des ami·es. J'avais peur d'être seule dans ma licence. Au final, j'ai trouvé des ami·es formidables. Mais au début, j'étais toute seule. Et je me suis dit : “non seulement je peux aider des personnes, mais je ferai aussi des rencontres. Si ça se trouve, je vais trouver des personnes qui ont les mêmes goûts que moi”. C'était le cas du coup. C'est grâce à l'Épicerie que j'ai les ami·es que j'ai aujourd'hui. Sur Rennes, en tout cas, 99% des personnes sont de l'Épicerie, voire la totalité. Parce que chaque ami·e, je les ai converti·es, on va dire, à l'Épicerie gratuite. Donc même mes ami·es de licence, ils sont finalement devenu·es bénévoles à l'Épicerie. Elles ont participé à des distributions, elles ont fait des ramasses. En fait, tout mon cercle est de l'Épicerie à un point.
Chaque premier mercredi du mois, au lieu de faire réunion, on fait un temps de convivialité. Avec justement les bénévoles. Le plus récent qu'on a fait, c'était un “Just Dance”. C'était vraiment trop amusant. On a fait pas mal de choses. On a fait des soirées jeux de société. Enfin, juste passer du temps de convivialité avec les personnes de l'Épicerie. Ça, c'est vraiment le moment que je préfère le plus. Surtout, les 5 ans de l'Épicerie gratuite qu'on a organisé. C'était trop bien. On a pu danser, chanter avec les bénévoles. Parce qu'on a invité un groupe pour le concert qu'on a organisé. Et c'était vraiment magique.
Moi, j'aime beaucoup écouter de la musique. Je suis quelqu'un qui vraiment s'intéresse beaucoup à ça. Mes ami·es. J'aime beaucoup passer du temps avec mes ami·es. Et j'aime bien le ciel aussi. J'adore les nuages. Je prends beaucoup de photos de nuages. Même en venant ici, j'ai pris plusieurs photos des nuages. Parce que je les trouve sublimes. Et les pastèques. Ça peut être bizarre. Mais depuis que je suis petite, j'ai cette obsession envers les pastèques. J'ai un porte-monnaie pastèque. Dès que je vois quelque chose en forme de pastèque, je l'achète. J'ai des écouteurs pastèques. J’ai une gomme pastèque. J'ai fait un verre pastèque au café céramique à Quimper. [rires] Enfin, vraiment… J'adore la pastèque.
[Virgule musicale]
J'ai grandi dans une famille où on pensait que c'était important d'aider les personnes en besoin. Et si même nous, on a besoin, on ne doit pas hésiter à demander de l'aide. Et l'Épicerie, c'était ça. On pouvait aider et en même temps recevoir de l'aide. Comme du coup, à l'Épicerie gratuite, on peut être bénévole et bénéficier en même temps. Et ça nous empêche en aucun cas de participer aux distributions et de prendre des produits quand on veut. C'est ça que j'ai beaucoup aimé. Parce que moi aussi, j'étais une élève en besoin, une étudiante en besoin.
J'ai la chance du coup d'avoir un logement CROUS, heureusement, qui est vraiment juste à côté de la fac, derrière le Métronome. Je suis dans un studio de 20 mètres carrés en plus. Donc, j'ai ma propre cuisine. Enfin, j'ai ma propre chambre, salle de bain. Tout est inclus dedans. Et moi, j'aime bien. Ça va faire la deuxième année où j'ai renouvelé le même logement. C'est au troisième étage. Donc, c'est un peu relou de devoir monter trois étages tous les jours. Mais c'est grave amusant et j’ai une belle vue. Et j'aime bien avoir mon petit endroit à moi, ma petite cuisine. Alors, je fais beaucoup de cuisine. On va dire que dans ma famille, c'était moi qui étais un peu la petite cheffe cuisinière pendant que mes parents et mes sœurs travaillaient. C'est moi qui faisais à manger le midi, le soir, des petits gâteaux, etc. Les petites recettes traditionnelles que ma mère nous a apprises depuis qu'on est petit·es. Et oui, moi, j'aime beaucoup cuisiner. Il y a pas mal de gâteaux différents en Turquie, comme les baklava. Mais je ne suis pas… Je ne suis pas vraiment une experte. C'est plutôt ma mère qui m'aide très souvent. Ou alors c’est elle qui fait quasiment tout. Moi, je mets juste les morceaux de noisettes sur la pâte. Mais des fois, j'invente moi-même mes propres recettes. Je mélange des ingrédients à droite, à gauche. Et ça donne un très bon résultat. J'ai même une petite recette, un petit gâteau spécial à moi que je fais très souvent à la famille.
Il y a beaucoup de débats sur cette affirmation. Mais moi, je pense que l'argent fait le bonheur. Ou alors, du moins pour moi, l'argent, ça fait le bonheur. Il y a eu tellement de soucis qu'on a eu dans la vie parce que justement, on était en manque d'argent, que ce soit dans la famille ou moi juste en général, de mon côté personnel. En réalité, je pense que si on avait eu plus d'argent, peut-être que tout ça, tout ce qui s'est passé dans ma vie aurait pu se passer différemment. Depuis que je suis enfant, j'ai toujours été, on va dire… Je ne sais pas si ça justifie, mais j'ai toujours été boursière. On a toujours eu beaucoup de problèmes financiers dans ma famille. Même si là, ça va un peu mieux. Mais oui, on a eu pas mal de galères. Mes parents proposent de m'aider financièrement. Mais j'arrive à gérer mon budget de mon propre côté. Je vis de ma bourse. Je pense que j'arrive à bien gérer mon budget. Du coup, pour l'instant, je n'ai pas vraiment besoin de l'aide de mes parents financièrement dans cet aspect-là. L'année dernière, j'avais eu vraiment trop peur d'utiliser mon argent, d'utiliser ma bourse. Je me disais : “si je n'ai pas cet argent, je n'aurai vraiment plus rien.” Et je ne voulais pas compter sur l'aide de mes parents financièrement parce que je voulais vraiment être indépendante de mon côté. Mais maintenant, j'ai un peu l'habitude. Je sais comment gérer mon budget, mettre l'argent de côté déjà pour mon loyer. Et après… Je mets une limite pour le transport que je dois prendre par exemple le train. L'année dernière, au début de l'année, je rentrais toutes les semaines. Sauf que j'ai vu que ça faisait vite cher. Et du coup, j'ai limité à une fois toutes les deux semaines parce que je n'avais pas l'habitude d'être aussi loin de mes parents. Du coup, une fois toutes les deux semaines, je trouve que c'est déjà pas mal.
[Virgule musicale]
Le bénévolat, ça me prend vraiment pas mal de temps dans ma semaine. Tous les jours, je passe à l'Épicerie. Matin, midi, soir, dès que je peux, dès que j'ai un petit temps libre, je passe à l'Épicerie pour voir si je peux aider avec quoi que ce soit ou juste pour traîner avec les personnes, parler, échanger avec les bénévoles. Je suis plus investie que je travaille mes cours. Ça, je vais être totalement honnête. On l'a bien vu avec mes résultats comparés à ceux de l'année dernière et au lycée. Mais les cours, j'essaie de les travailler du mieux que je peux. Et je suis plus active la nuit parce que j'ai quelques problèmes de sommeil. Du coup, c'est vraiment la nuit que je travaille mes cours quand je n'arrive pas à dormir.
Actuellement, je fais une licence de mathématiques et informatique liée aux sciences humaines et sociales, donc MIASHS. Mais c'est vrai que j'ai plus un grand intérêt pour aider les personnes directement, faire des aides humanitaires et ce genre de choses. Mais si c'est possible, j'aimerais bien plus tard essayer de mélanger ma licence et mes valeurs. Je ne sais pas comment je peux le faire. Ou alors, je trouve un métier dans l'informatique. Et à côté, je fais du bénévolat ou j'aide les personnes. Je ne sais pas trop encore. Oui, je pense que la justice, c'est vraiment quelque chose qui me touche énormément. C'est une valeur assez importante pour moi. L'égalité aussi. Juste généralement, l'ouverture d'esprit. Je pense que c'est important que chaque personne puisse se comprendre mutuellement, s'accepter aussi. Je trouve que c'est très important. Le fait d'aider les autres, c'est la grande valeur de notre famille. On pense que c'est important. Même d'un point de vue dans nos croyances et juste dans notre culture et tout, ça a toujours été : si on voit une personne galérer, on fait de notre mieux pour les aider. Et ma mère nous a toujours dit que si on voit une personne galérer, il ne faut pas hésiter à tendre la main, même si notre situation n'était pas meilleure. Il y aura toujours des personnes qui seront plus en galère que nous. Donc, il faut qu'on soit reconnaissant de ce qu'on a actuellement.
Ce qui me révolte le plus, c'est l'injustice dans le monde, on va dire. Je ne sais pas si tu es au courant de la situation actuelle du monde. Je n'ai pas beaucoup de foi en l'humanité, on va dire, après tout ce qui s'est passé récemment. Je n'aime pas le racisme. Je n'aime pas les doubles standards. Je n'aime pas… Je n'aime vraiment pas l'injustice dans le monde. Et je n'aime pas la pauvreté aussi. Je n'aime pas voir les gens souffrir. Rien que voir une personne pleurer, ça me fait pleurer ; pour montrer le niveau de fragilité [rires]. Mais je me dis que si on ne s'entraide pas entre nous, qui va nous aider ? La chose la plus touchante que j'ai justement cette année, c'était à la première distribution de l'Épicerie gratuite. On avait vu dès le début qu'il n'y aurait pas assez de quantité pour toutes les personnes qui étaient dans la queue. On a dû renvoyer les personnes en fin de queue. On leur a dû leur expliquer qu'il n'y aurait jamais assez de produits pour eux. On a dû renvoyer 20 personnes. Et même là, à la fin de la distribution, on a dû renvoyer des personnes puisqu'il ne nous restait vraiment plus rien. Et ça nous a vraiment “émotionné”, on va dire, nous les membres du bureau, de voir ça. Et on s'est dit que ça devait changer. Ça me rendra toujours triste de voir autant de bénéficiaires, autant de personnes en besoin qui viennent à chaque distribution de l'épicerie, de voir très souvent les mêmes personnes. Ils sont là les lundis, les mardis, les vendredis, et ça montre à quel point les personnes ont besoin de l'Épicerie gratuite. Normalement, cette association ne devrait pas exister, mais on existe, malheureusement. Et heureusement, d'un autre côté, moi, d'un point de vue personnel, vu que j'ai pu faire des rencontres formidables, mais ça aurait été bien de les rencontrer dans d'autres circonstances, on va dire.
Pour le futur, déjà, en tant que co-présidente de l'épicerie, j'espère que la précarité alimentaire n'existera plus. On ne devrait pas exister, mais on est là. Et tant qu'il y aura la précarité, l'Épicerie gratuite sera là. Et juste, je ne sais pas, c'est un peu naïf, mais j'aimerais bien la paix dans le monde [rires]. Que tout le monde puisse se comprendre, s'apprécier, et ouais… Je pense que je suis une personne assez pessimiste, mais j'essaye un maximum, justement, de montrer la belle vie aux personnes autour de moi. Il y a des personnes autour de moi qui galèrent aussi pas mal émotionnellement. Et j'essaye de faire en sorte qu’eux, ils puissent au moins réussir à voir la vie d'un point de vue positif, on va dire, d'être optimistes.
[Musique du générique]
Voix off : Plus qu'une fac, c'est un podcast de l'Université Rennes 2 réalisé par le service communication.
Merci à Mine, que vous retrouverez dans le prochain épisode, pour nous parler de l'histoire de sa famille venue de Turquie, et du choix qu'elle-même a fait de quitter sa ville natale, pour étudier à Rennes, et découvrir l'indépendance.
Lien de l’épisode : https://www.podcastics.com/podcast/episode/mine-12-341343/